Les visages me fascinent. On peut y lire la vie des hommes et des femmes. Certains portent le masque et d’autres leurs rêves. Capetan Pedro navigue dans les eaux de l’Archipel de los Canarreos depuis qu’il est enfant. Soixante ans de mer turquoise et de chansons traditionnelles cubaines. « Si tu ne partages pas mon rhum tu ne pourras pas monter à bord de mon trimaran » me dit le pêcheur. « Tu viens de la ville, tu as tout, mais as-tu gardé ton âme de voyageur ? » Les questions fusent, mais Pedro n’attend pas de réponses. Il allume son cigare en dansant sur son embarcation de fortune, il est presque ailleurs mais curieusement il est partout. Dans l’azur du ciel et la tranquillité de l’horizon, il est en phase avec la nature qui le berce et l’entoure. « Ici on a le temps, c’est un ami » lance-t-il avant d’accoster sur la petite île de Cayo Rico. Les iguanes nous observent, le soleil tape. Ici, le monde ne s’est pas arrêté, il poursuit sa route, dans la sérénité. La vraie richesse de l’âme. Loin des fous et loin des foules. Un coin de paradis où seuls les intrus sont perdus.
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#Cuba #visagesdelaHavane #LaHavane Le miracle de la musique opère à notre insu. Je marchais dans les ruelles de la vieille lorsque j’ai entendu au loin une mélodie que je connaissais sans la reconnaître tout de suite. Une chanson d’amour triste comme je les aime, des bémols de complainte pudique, un va et vient permanent entre espoir et désespoir. Et lorsque j’ai vu cet homme et entendu son petit orchestre la jouer, chaque mot de cette chanson d’une autre époque prenait chair dans mon esprit comme les parcelles d’un puzzle perdu dans le temps. Mon grand-père l’écoutais jadis sur un vieux phonogramme, la voix était voilée et les sillons usés mais la magie opérait. J’étais un bambin. Je ne comprenais rien mais je ressentais… Il y a quelques jours ce musicien de la Havane jouait de sa contrebasse et fredonnait « Veinte anos » de sa voix basse :
« Que me importa que te ame
si tu nos me quieres ya
El amor que a pasado
no se deve recordar
Fui la ilusion de tu vida
une dia lejano ya
hoy represento el pasado
no me puedo conformar »
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L'homme m'interpelle et me fixe du regard, de ses yeux fatigués et malicieux il essaie de lire en moi. L'homme me scanne du regard en silence au volant d'une mercedes des années 50 complètement cabossée. Une voiture reconstituée, recomposée, sauvée de la casse des dizaines de fois. Plus d'un demi siècle qu'il la conduit. Plus d'un demi siècle qu'il survit avec sa caisse. Avec ce même regard, celui d'un homme honnête qui cherche son chemin puisque sa voie il l'ignore encore.
N.A
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Lionel a 29 ans, sa grande fille a 15 ans et sa dernière 13 mois "mes princesses" me dit-il en m'offrant une limonade. Au bout de ce couloir, quelques mètres carrés où ils vivent 7 personnes "ma modeste maison". La famille est pauvre et vit dans un cagibi de fortune "mais on manque de rien". L'homme est modeste mais il ne se plaint pas, le mot misère n'existe pas, un jour il aura "économisé" assez pour construire de vraies fenêtres. Pas de complainte dans les yeux de Lionel, pas de mélancolie, juste une seconde de lassitude quand cesse le sourire. Un jeune homme qui n'a pas encore franchit la trentaine mais qui a déjà vécu dix vies.
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