Fluidr
about   tools   help   Y   Q   a         b   n   l
User / tite elfe / Sets / Carnet de tous les possibles
Françoise / 141 items

  • DESCRIPTION
  • COMMENT
  • O
  • L
  • M

La famille d’Agnella qui surveillait régulièrement les agissements d’Oswald essayait d’anticiper ses attaques le plus qu’elle le pouvait.
Mais un jour, Manfred pour renforcer les défenses de la vallée, à l’aide d’une crosse de fougère qui lui servait de baguette magique, se mit à créer une plante grimpante si touffue et si envahissante qu’elle se mit très rapidement à envahir la forêt d’Oswald et s’en alla ceinturer la tour où l’affreux sorcier vivait.
Quand Agnella, de retour d’une tournée d’inspection constata la chose, elle s’écria :

- Manfred...vite...essaie de limiter l’expansion de cette liane, sinon, elle risque de tous nous menacer. Oswald y verra une attaque directe contre sa personne et Dieu sait ce qu’il inventera alors pour nous détruire.

- Pardon, mère, je n’ai pas voulu cela. Je voulais tellement protéger la vallée. Hélas, la plante est très résistante et je crois que seule la serpe d’argent de père pourrait résoudre le problème.
Et je ne sais pas où il l’a mise.

- Elle doit être dans la grange...vite !

Aussitôt, le jeune garçon se précipita. Mais il eut beau frapper de toutes ses forces les racines de la plante avec la serpe d’argent, rien n’y faisait…A peine entaillée, la liane repartait de plus belle.

- Il faut couper la plante en plusieurs endroits. Elle a trop de force et s’enracine ailleurs pour contrer mon attaque. Mère, laissez moi aller dans la forêt. Angelo trouvera bien un sortilège pour me protéger.

- Non mon garçon, c’est trop dangereux. Tu ne sais pas ce qu’Oswald pourrait nous faire…
C’est moi qui vole le plus vite de nous quatre. C’est moi qui sortirai de la vallée pour réparer ta bêtise. Et si par malheur je ne revenais pas, tu sais toi comme tes frères ce qu’il convient de faire, n’est-ce pas ?

- Oui, mère.

  • DESCRIPTION
  • COMMENT
  • O
  • L
  • M

Tu veux que je te dise...On est vraiment mal barrés, Maïa.T'as vu cette bagarre?

- Oui, mais Philéas, il a des super pouvoirs et son bâton magique.

- Certes, mais t'as vu Oswald?
Il est déchaîné...non franchement, j'ai peur que le roi des elfes finisse par succomber.

- Eh bien moi, je te parie le contraire. D'abord, Oswald est seul. Alors que Philéas, il a toute une famille avec lui. Et pas une famille ordinaire, mais des gens qui ont des pouvoirs magiques. Donc c'est lui qui va gagner. C'est obligé!

- Je te parie cinquante croquettes au chocolat qu'il échoue...Et tu sais pourquoi? L'Oswald, il me fait penser à Rouquin quand il a une mauvaise idée en tête.

- Pari tenu...Mais si c'est Philéas qui gagne, à la place des croquettes, je veux cinquante bonbons cerise.

- Soeurette tu es dure en affaire. Comment veux-tu que je puisse trouver ça?

- Demande au lapin de Pâques de me les apporter dimanche.

- Robbie? Je crois qu'il a d'autres projets en tête...

www.youtube.com/watch?v=11bB-FG4Tuc

- Zut...si lui aussi il nous lâche...qu'est-ce qu'on va faire?

- Prier et espérer, nous reste plus que ça, petite soeur.
Ah et puis...trouver des renforts...vite!

N 10 B 888 C 0 E Nov 16, 2010 F Mar 4, 2024
  • DESCRIPTION
  • COMMENT
  • O
  • L
  • M

www.youtube.com/watch?v=rEK5JNvvnis

A nouveau le sombre, à nouveau la nuit.
Tania, même si elle sentait bien que Jakob lui échappait, comprenait qu’elle incarnait encore pour lui une alternative attrayante. Et parce qu’elle savait que le temps ensemble leur était compté, elle voulait le plus possible profiter de cette intimité. Elle était sa reine, celle qui régnait sur son quotidien : une présence presque rassurante pour le souverain isolé, même s’il était, à mesure qu’il avançait dans le labyrinthe, de plus en plus distant.

Pour compenser et garder un certain contrôle, Tania rassurait les plus hauts dignitaires du royaume. Elle servait de caution maléfique à son compagnon, de cran de sûreté. Avec elle à ses côtés, Jakob était jugé crédible. Car sorcières, vampires, âmes damnées, génies malfaisants connaissaient son allégeance de longue date à Lucifer, sa fidélité à tout ce qui était maléfique. Alors que Jakob seul, tourmenté entre bien et mal, les faisait tellement douter du bien-fondé de sa royauté qu’ils avaient plusieurs fois envisagé de l’assassiner. Mais la voleuse d’âmes s’y était opposée. Défendant bec et ongles le roi vampire et arguant que grâce à lui, elle saurait progressivement se rendre maîtresse de l’anneau de feu et du pouvoir absolu qui le constituait . Ce qui était un mensonge éhonté, mais qui avait le mérite de garder Jakob en vie. Pour elle déjà, mais aussi pour le reste des royaumes des ténèbres. Car Jakob, par sa seule présence, semblait atténuer, ralentir le processus d’effondrement qui affectait le quotidien des citoyens des ténèbres. Oeuvrer à préserver ce monde en même temps que la vie de celui qui partageait son lit, la rendait fière, malgré sa défaite face à Marie, et la difficulté qu’elle avait désormais, à faire le moindre maléfice.


A chaque potion qu’elle tentait, son âme retrouvée lui signalait qu’elle agissait mal et la tourmentait par mille et une piqûres de rappel. Sa magie noire ne fonctionnait plus comme avant. Ce qui provoquait chez elle, un agacement colérique que venait régulièrement calmer Jakob par une parole, un geste d’apaisement. C’était dans ces moments-là d’attention et de considération, plus que dans leurs étreintes que Tania pensait qu’elle avait gagné définitivement. Et que jamais Jakob ne quitterait ni sa couche ni sa fonction royale.

Forte de cette croyance, elle avait relâché un peu le contrôle et les sorts qu’elle avait jeté sur le jeune roi vampire et sur sa musique.
Jakob pouvait, au moins lors de visites, aller jusqu’au château des monts chauves, à son manoirr et en différents lieux du royaume des ombres. Mais aussi jouer de la musique hors du contrôle et de l’emprise de Tania. Secrètement, la plupart du temps quand il rentrait chez lui, il tentait des sorts féeriques musicaux, en pensant à Marie, en pensant à tout le bien qu’ils pourraient faire une fois réunis. Et cette perspective lui ramenait le sourire, l’espoir, galvanisait sa magie.

Il tentait aussi des expériences pour aider certains êtres, passés au royaume des ombres, mais torturés et perdus entre bien et mal, tout autant que lui l’était.
Il avait créé des sorts de sérénité, de douceur, d’apaisement. Seul, tout comme il le faisait lorsqu’il n’était qu’elfe-fée à la Vallée Heureuse. Ce bonheur de recréer de la magie positive, en toute autonomie, lui faisait du bien. Elle le reconnectait à sa source, à ce qu’il était depuis tout enfant. Et se dévouer à autrui, tenter de réparer des situations difficiles pour des êtres plus égarés que réellement maléfiques, lui redonnait espoir de se sortir lui aussi de ce guêpier.
Il se rendait compte qu’il avait les clés de sa propre délivrance et l’harmonisation qu’il souhaitait mettre en place depuis le début entre les deux univers, commençait à prendre forme ; un autre sujet de joie mais aussi de fierté pour le jeune roi.

Et l’elfe-fée en lui continuait de projeter sa voix dans le labyrinthe, mais de façon moins acharnée. Non que Jakob n’ait plus envie d’en découvrir la sortie et de retrouver celle qu’il aimait vraiment. Mais il comprenait, sans doute pour la première fois de sa vie, que ce n’est pas le travail acharné, mais l’équilibre intérieur qui compte et qui l’aiderait le plus à avancer. Cela voulait dire créer les conditions les plus favorables pour réussir.

De lui-même, il s’était composé une sorte d’hygiène de vie qui l’aidait aussi à maintenir des énergies hautes, propres à établir une autorité et une compétence de chef. Il rendait ainsi hommage aux bagues qu’il avait reçues de Titania et Obéron. Et l’anneau de feu lui-même en bénéficiait, pouvant déployer ensuite protection et influence bénéfique tant à Marie qu’à Jakob. Les deux époux travaillaient inconsciemment à la fois en synergie mais aussi individuellement, pour leur propre édification. Et si rien ne semblait avoir changé véritablement dans chacun de leurs royaumes respectifs, chacun d’eux ressentait une paix grandissante, presque inexplicable, mais très appréciable.


Le retour progressif de Jakob-Roméo sur ses terres, chez ses amis vampires, hors de l’emprise et de la présence de Tania, avait réjoui de nombreux sujets.

La reprise d’une gouvernance absolutiste, même si bien différente de celle d’Oswald et Osmond, avait ramené une certaine sérénité. Le délabrement du royaume avait été stoppé. Laissant un répit bienvenu à tous les êtres maléfiques. Un regain d’espoir animait le monde des ténèbres, qui autorisait rencontres, déplacements et activités quotidienne sans risque de catastrophe.

Jakob avait retrouvé le château des monts chauves, son manoir et quelques promenades avec son meilleur ami.
Un soir qu’il l’avait gardé à souper dans la salle à manger ornée de la grande tapisserie des vendanges, après quelques viandes rôties arrosées de vin capiteux, le roi vampire, levant la tête en direction de la tapisserie avait soupiré :

- Nous y voilà...je suis l’homme que je ne voulais pas être ici. Celui qui commande, qui ordonne, qui a des terres et des domestiques sous ses ordres. Celle qui est à mes côtés n’est pas celle que je souhaitais avoir. Et pourtant…

- Et pourtant, tu ne peux pas dire que tu es malheureux. Tu t’es adapté à cette nouvelle vie grâce à Tania et ça n’est pas plus mal. Je t’avais dit que tu y arriverais.

Jakob avait souri puis secoué la tête.

- Pardonne-moi, mais ce n’est pas Tania qui m’a aidé à m’acclimater et à supporter mon état de roi vampire.
Elle m’aurait plutôt plongé dans le désespoir.

- C’est moi alors?

- Plutôt cette maison et son fantôme. Depuis quelque temps, je vis grâce à eux des choses surprenantes.

Et Jakob avait alors raconté à Ulf tout ce qui lui était arrivé: le portrait de Bartoloméo, le labyrinthe, le navire, la tempête, la projection de sa voix, le chandelier et sa rencontre avec Titania et Obéron.

Le capitaine et premier ministre Ulf avait écouté d’une oreille plus qu’attentive, les mille et un progrès de son jeune ami. Par moment, il souriait, à d’autre, il semblait gêné. Et plus que tout agacé. Il sentait lui aussi un changement, qui tout anecdotique qu’il semble pour le moment, annonçait via ces confidences, une mutation profonde qui le laissait inquiet quant à l’avenir du royaume. Son ami renoncerait-il alors au pouvoir et le placerait-il comme roi à sa place ? Rien n’était moins sûr. Alors, le capitaine ne devait-il pas faire tout son possible pour maintenir l’existant ? L’anneau de feu dans sa part maléfique pouvait les aider.

Face au récit enflammé de son ami, Ulf avait cru bon de jouer le frère aîné plein d’expérience :

- Tu sais, ce genre de remontée féerique, je l’ai déjà vécue. Et ça n’a pas duré. C’est un passage, crois-moi, une sorte de fièvre qui s’éteindra d’elle-même avec le temps.
L’anneau de feu, tu peux l’utiliser comme bon te semble, après tout ! Alors pourquoi te tourmenter à oeuvrer avec par l’entremise d’un labyrinthe ?

- Parce que le labyrinthe est la clé de notre délivrance à tous, Ulf. L’anneau de feu est régi par deux forces complémentaires. La mienne et celle de Marie. Hors des charmes basiques, qu’ils soient maléfiques ou féeriques, l’anneau s’active en unissant nos deux âmes, nos deux magies.

- Et tu ne peux pas le contrôler entièrement sans Marie ?

- Je ne crois pas. Cet anneau semble fonctionner en duo. Depuis notre mariage aux arènes qui a été aussi la nuit de notre séparation, quand je suis devenu roi, il nous fait travailler chacun suivant un cheminement particulier. C’est comme un gigantesque jeu de piste, de conscientisations successives. Cette bague me fait remonter le temps et m’ouvre à des compréhensions dont jamais je n’aurais pu soupçonner l’existence.

- Alors tu es toujours aussi amoureux ! Faudrait-il que je capture Cupidon et le tue vraiment à l’insecticide vampirique pour qu’enfin tu reviennes à la raison ?

- Pff...je crois que ce serait bien inutile. Mon coeur a ses raisons que la raison vampirique et maléfique ne connaît pas...et l’anneau de feu est…

- Un anneau magique qui crée de la magie amoureuse. Oui, je vois ça, et quand j’y pense...tu n’as finalement pas tellement changé hormis l’apparence. Si j’avais su, je t’aurais laissé au marais chez les jumelles.

- Non, tu n’aurais jamais fait ça : d’une parce que tu t’y serais noyé sans moi et de deux, parce que tu m’aimes et que moi aussi je t’aime comme un frère.
Tu veux que je te dise, Ulf ? Si nous nous sommes rencontrés, je pense que c’était pour m’aider à endosser plus facilement la condition de vampire et comprendre que l’amitié est possible, entre les deux royaumes antagonistes. Rien ne se fait par hasard. Tout a une raison d’être, toujours.

- Tu crois vraiment ça ? C’est certes gentil pour moi mais...Et Tania ? Tu m’en disais pourtant uniquement du mal quand tu n’étais encore que Matthias de Sylphe.

- Oui… et jamais quand je n’étais qu’apprenti d’Oswald, je n’aurais pensé qu’elle deviendrait ma reine des ombres. Mais il y a sans doute là aussi une raison à cette union, une blessure à guérir pour elle comme pour moi, une façon de l’aider.

- Mais à quoi, grands dieux ?

- Je ne sais pas, Ulf. Mais je remarque une chose : tout ce qui nous arrive nous oblige à changer de regard les uns sur les autres. Alors Tania comme les autres maléfiques a certainement un rôle positif à jouer dans nos aventures. Et certainement elle en joue un, qu’elle en soit ou non consciente.

Ulf haussa les épaules. Les réflexions de Jakob le ramenaient à s’interroger quant à sa propre identité et ce n’était surtout pas confortable. Parce qu’il repensait à Ilma et Vilma et à tout ce qu’il avait abandonné depuis qu’il était vampire. Et cela le plongeait direct dans un chagrin sans fond.
Et cela, il n’en était pas question.

Alors il secoua ses idées sombres.
Puis, reprenant son air matois et taquin, il s’écria :

- N’empêche, nous sommes deux à l’avoir connue plus que personnellement. Et j’aimerais assez connaître tes impressions après expérience intime plus que prolongée avec la voleuse d’âmes, nota le vampire d’un air gourmand et intéressé.

Jakob se mit à rire. Puis, répondant à son regard pénétrant par un regard tout aussi malicieux, il dit :

- Dangereusement attirante, mais contrairement à ce que je craignais, elle n’a jamais pu prendre mon âme. Et elle n’est plus en capacité d’en capturer d’autres depuis qu’elle est ma reine. Je ne sais pas d’où vient ce prodige. Possible que la position de première dame l’ait en quelque sorte calmée. Mais…j’ai plus l’impression qu’une tierce personne lui a désactivé ce pouvoir. Qui ? Là est la question.

Le regard tout à la fois ému et taquin de Ulf, laissait penser qu’il approuvait totalement son ami. Mais il le surprit encore davantage en lui disant :

- Moi, j’ai ma petite idée sur qui a généré ce miracle. Si comme tu le prétends, l’anneau de feu sert autant la comtesse de Kalamine que ta personne, il se pourrait que Marie ait agi pour que Tania ne puisse plus jamais nuire à qui que ce soit.

Jakob pâlit.

- Si Marie a fait cela, cela voudrait dire que Tania l’a attaquée ! Car jamais Marie n’aurait fait une telle chose sans être agressée. Mais si Marie s’est défendue contre Tania, ça voudrait dire que depuis notre séparation, elle acquiert des pouvoirs féeriques. Donc ça voudrait dire qu’elle est maintenant en pleine capacité de faire de la magie avec l’anneau de feu...

- C’est fort possible ! Et comme vous fonctionnez de façon gémellaire, Marie avance certainement en féerie autant que tu acquiers de pouvoirs et de conscientisations de ton côté. Vos âmes sont liées. Donc si elle te sent en danger ou se sent en danger, elle répliquera pour se protéger et te protéger également.

- Incroyable...quand j’y pense...cela m’émerveille et m’effraie tout à la fois. Je n’ai jamais vu Marie faire de magie. Et je ne sais pas du tout comment à l’avenir je vivrai cela. Et si avec cette magie, elle en profitait pour me rejeter ?

- Tu oublies qu’elle t’aime.

- Mais je suis devenu maléfique.

- Tu crois sincèrement que mon apparence vampirique a changé mon amour pour les jumelles et le leur pour moi ? Crois-moi, si l’amour est véritable, il se fiche du costume.
Il n’empêche que voir la comtesse de Kalamine régler son compte à la voleuse d’âmes, ça m’aurait rudement fait plaisir d’assister au spectacle.

- Et moi donc...Si comme tu le penses, cet affrontement a eu lieu, je n’en ai rien vu ni su…

- Ca vaut peut-être mieux. Tu sais à quel point Tania peut être violente...Et je doute qu’elle se soit retenue vis à vis de Marie. La bonne nouvelle est que la réplique de ta dulcinée a dû être particulièrement efficace puisque Tania n’a pu dévorer ton âme. Et aux dernières nouvelles, elle n’a pas fait de nouvelles victimes. Ce qui est plus que surprenant.

Ca me rappelle un duel terrible que l’on nous racontait à la veillée, quand j’étais encore gamin : deux sorcières. L’une qui ignorait ses pouvoirs, ligotés depuis son enfance et l’autre qui les cultivait tant qu’elle finit par se corrompre au mal et contribua à pervertir tout ce qu’elle aurait pu créer de bien. Quand celle qui ignorait ses pouvoirs s’est réveillée, elle a non seulement révélé des dons plus grands que la sorcière consciente mais elle a en plus ligoté les pouvoirs maléfiques de cette dernière dans un duel sans merci. A sa manière, Marie et Tania ressemblent à ces deux sorcières. Et je crains que Marie n’ait agi comme la sorcière inconsciente.

Le roi vampire soupira.

- Cela lui ressemble si peu, à moins qu’une fée l’ait formée à ce type de magie, mais je la vois pas faire du mal à qui que ce soit...Et quand bien même elle aurait affronté et vaincu la voleuse d’âmes, Tania m’en aurait parlé, tu ne crois pas ?

Ulf se mit à rire :

- Tania ? T’avouer sa vulnérabilité ? La mettre en scène, oui, pour conserver son pouvoir sur toi et l’aura dont elle dispose auprès des grands maléfiques du royaume, mais elle n’aurait jamais révélé ses propres difficultés et encore moins une défaite face à celle que tu aimes. Elle a beaucoup trop de fierté pour ça.
Et la petite comtesse de Kalamine t’aime suffisamment pour vouloir te protéger, même si cela l’a obligée à sacrifier sa place auprès de toi.

Jakob porta la main à son coeur :

- Ce que tu dis met le feu dans mon âme...car tu penses que Marie m’aime toujours, même si je l’ai trahie en m’unissant à Tania ?

- Je ne le pense pas, j’en suis sûr.

- Mais comment ? L’as-tu vue récemment ? As-tu des informations à son sujet ?

Ulf grimaça.

- Disons que j’ai eu de ses nouvelles indirectement. Ma troupe et moi ne pouvons plus attaquer Kalamine. Il y a une espèce d’arc-en-ciel protecteur qui constitue comme une barrière infranchissable sur la frontière. Aucun maléfique ne peut le pénétrer au risque d’une auto-combustion immédiate.
Si nous avions pu par le passé contourner et piéger les artificiers et protecteurs du royaume, et rapiner tout ce qui nous était utile, nous avons dû renoncer à le faire dans un grand nombre de royaumes féeriques, dont Kalamine tout le premier.
Et je suis persuadé que cette protection provient de la magie de ton épouse.
Magie probablement inconsciente mais néanmoins liée à cet anneau de feu indomptable et donc à l’amour que vous partagez elle et toi.

- Je vois. Et si moi en tant que porteur de l’anneau, j’essayais de casser ce sortilège ?

- Au risque de ta propre vie ? Je ne te crois pas assez fou pour oser une telle fantaisie.

- Et pourtant, si je suis protégé par l’anneau, je ne crains rien.

- Est-ce que vraiment tu souhaites mettre en danger celle que tu aimes et ses amis ?

- Non, mais je voudrais réconcilier les deux mondes. Si en tant que porteur de l’anneau de feu je ne le fais pas, à quoi aura servi cette expérience maléfique ?

- Tu veux dire qu’à l’issue du combat, tu abandonnerais le royaume des ombres ?

Le jeune roi détourna un moment son regard, gêné et soupira.

- Ulf, je ne suis pas d’ici. Tu le sais pertinemment. Et toi non plus tu n’appartiens pas à ce monde.

Ulf eut un rictus :

- Tu n’as pas idée du temps qui s’est écoulé entre ma métamorphose et aujourd’hui. Je ne saurais plus être qui j’étais avant et en cas de retour, je serais maintenant trop vieux pour me réadapter à l’humanité qui était la mienne.

- Même pour Mila et Ilma ? Ulf, j’ai vu à quel point tu les aimes...tu ne peux pas avoir oublié la liberté que vous aviez ensemble, l’amour que vous partagiez…

- Non, je garde tout ça en mémoire, c’est ma plus douce rêverie quotidienne, mais le monde humain avait condamné cet amour puisque j’ai été pendu, puis vampirisé par Oswald. Et c’était il y a très longtemps…

- L’amour véritable n’est pas une question de temps ni d’âge, mon ami. C’est une question de coeur.
Si réellement tu sens toujours en toi cet amour, alors il te guidera une fois revenu à ton état originel. Et moi aussi je t’aiderai ainsi que tes amis enchaînés au même statut vampirique contre leur gré.

- Toi ? Mais tu auras mille autres occupations bien plus réjouissantes avec Marie, futur comte de Kalamine ! Je ne serai plus qu’un lointain souvenir pour toi.


- Tu te trompes ! L’amitié que nous partageons aura toujours une place prépondérante.

- Même si je ne serai plus qu’un paysan humain mal dégrossi ? Dis donc...tu ne m’as jamais dit de quelle famille tu étais en féerie. Pour plaire à la petite comtesse, je suppose que tu n’étais ni un lutin, ni un gnome velu amateur de bière.

Jakob sourit.

- Effectivement, je ne fais pas partie de ces familles.

- Alors tu viens d’où ? Avec tes dons musicaux, tu pourrais faire partie des sirènes, ou peut-être des génies ou des anges célestes ?

Le jeune roi secoua la tête.

- Des hobbits ?

- Gontrand, mon cousin que tu as rencontré durant notre aventure, ne l’est qu’à demi, par son père.

Ulf ferma un instant les yeux pour se remémorer la scène...Oui, il se souvenait de ce jeune pianiste un peu enrobé, timide et rêveur. Mais qui sentait une odeur, pas seulement de hobbit mais…

- D’elfe...tu es un elfe ! Un elfe géant, humanoïde car tes oreilles ne sont pas pointues...Mais oui...j’aurais dû y penser plus tôt : un elfe a la capacité d’être aussi bien maléfique que bénéfique. L’elfe fait partie de ces familles féeriques qui peuvent muter, se métamorphoser facilement et expérimenter la dualité car ils ont des cousins noirs. C’est pourquoi tu aimes t’occuper des elfes égarés ici...des êtres perdus mi anges mi démons.

Jakob prit un air laconique.

- J’ai du sang d’elfe, par mon père, tu as bien deviné. Rajoute un peu de poussière de fée et tu sauras qui je suis vraiment.

Le capitaine eut alors une drôle de vision. Celle d’un elfe et d’une fée qui avaient eu trois fils et qui faisaient partie des plus redoutables opposants d’Oswald, régnant dans un minuscule royaume, jamais vaincu : la Vallée Heureuse.

N’en croyant pas ses yeux ni ses oreilles, le vampire se les frotta activement. Et la voix tremblotante, il demanda :

- Mais alors, si tu es bien qui je pense, comment es-tu devenu ce petit homme si étrange, à la veste rouge pourprée, si éloigné des elfes-fées ?

- C’est une longue histoire. Mon frère Angelo m’a transformé en humain pour qu’Oswald ne puisse pas s’en prendre à moi et que je puisse mener la mission qui m’était confiée à Kalamine en toute sécurité. C’est en humain que j’ai rencontré la fille d’Alexandre. Et j’ai été transformé en celui que tu as connu après mes fiançailles avec Marie. Il était hors de question que je laisse mon amour sans secours et prisonnière du sorcier. Et comme je ressemblais trop à ma nature elfique, il valait mieux m’en éloigner physiquement autant que la magie pouvait le faire : c’est sous cette apparence d’enfant que tu m’as rencontré ainsi qu’Oswald. Enfant que je n’étais pas.

- Donc, tu connaissais Marie de Kalamine avant notre rencontre ?

- Oui. Et nous sommes tombés amoureux l’un de l’autre peu avant l’invasion d’Oswald et son enlèvement. Son père venait de m’accorder sa main quand toi et ta troupe avez attaqué le château.

De plus en plus ému, Ulf avait porté la main à son coeur.

- Voilà pourquoi j’avais vu la jeune fille donner un anneau à la grive...et ce devait être l’anneau de feu et il était pour toi. C’est pourquoi il n’a jamais pu vraiment être maléfique. Il t’avait été donné par pur amour par l’héritière d’Héloïse. Son pouvoir ne pouvait donc pas appartenir au royaume des ombres, sauf par corruption du porteur. Et si tu viens de la féerie...ça pourrait vouloir dire...que tu es vraiment l’élu ???? L’élu de la prophétie que tout le monde attend ?

Par tous les enfers...si vraiment tu es l’élu, voilà une nouvelle qui change sacrément le sens de l’histoire. Et qui confirme toutes mes intuitions.
Tu veux que je te dise ? J’y avais pensé à plusieurs reprises en t’observant mais...je n’osais y croire, y rêver. Je préférais me dire que tout cela n’était que fariboles des anciens...quelque chose comme...une fantaisie pour maintenir un espoir...mais...si tu es vraiment l’élu…

- Tu t’emballes, Ulf, comme à ton habitude. Je ne sais pas si je suis ce personnage de légende. Pour être honnête, ce n’est pas ce qui m’intéresse ni me préoccupe. La seule chose qui m’importe, c’est que je n’ai pas envie de continuer à gouverner les royaumes maléfiques dans une opposition à la féerie, comme le faisaient Oswald, Osmond et tous ceux qui ont régné ici. Je pense sincèrement qu’il y a un point de concorde et de cohabitation à trouver avec les royaumes ennemis. Tu es bien d’accord que l’ombre et la lumière sont indissociables, non ?

- Oui, cela va de soi. L’un ne va pas sans l’autre. Ils sont complémentaires.

- Eh bien, je crois que la féerie fonctionne de la même façon avec les maléfices.
Si nous renforçons l’opposition entre les deux, nous nous éloignerons toujours plus et nous favoriserons toujours le pire : la guerre, la folie, les massacres, la haine, l’esclavage, la domination, l’exploitation de la peur, de la faiblesse, de la faim. Mais si nous trouvons un moyen de réconcilier les deux, un terrain d’entente, alors peut-être que nous pourrions bâtir un gouvernement équilibré pour tous et nous établirions une harmonie progressivement, car le bien serait gagnant pour tout le monde.

Ulf leva les yeux au ciel :

- Matthias, tu oublies que le mal reste le mal…

- Le mal est lié à la souffrance, au manque, à la peur. Si nous soignons les peurs, le manque, la souffrance, alors nous réduisons l’emprise maléfique, tu ne crois pas ?

- Sans doute, mais il y a et il y aura toujours des cas irrécupérables. Et il y a des gradations chez les maléfiques.

- Comme il y en a chez les féeriques. Ulf...il faut que j’essaie de parvenir à l’équilibre des forces, tenter de créer l’harmonie entre les deux. C’est sans doute ma vocation de musicien qui veut ça, mais c’est aussi ce qui doit être fait par les couples de l’anneau de feu. Je le ressens de plus en plus. Et je ne pourrai réaliser cela pleinement qu’en étant uni et réuni à Marie. C’est ensemble que nous sommes les meilleurs, toujours. Et le seul moyen de la revoir est d’ouvrir une brèche entre nos deux royaumes, de nous revoir à la frontière des deux mondes pour unir nos magies...à défaut de nos corps, si cela s’avère impossible.


Le ton de voix du roi vampire était si ému qu’Ulf se dit que désormais, rien ne découragerait son ami d’une telle entreprise. Alors, il avait objecté :

- Je comprends ta quête et elle est généreuse. Profitable à tous. Mais en admettant que tu y parviennes, ça veut dire que tu devras affronter la vicomtesse, dans un combat singulier. Y as-tu seulement pensé ?

- Oui...et je risque de la perdre pour toujours, si je n’arrive pas à contrôler mes instincts vampiriques en sa présence, à moins qu’elle-même me tue avant. C’est un risque mortel évident. Mais je dois pouvoir l’éviter.


- Comment ?


- Attends que je réfléchisse... Il faudrait...une sorte d’échelle, quelque chose qui circulerait de l’un à l’autre, un moyen qui nous permettrait d’échanger sans nous mettre en danger de mort...Ainsi nous pourrions tenter une réconciliation l’un avec l’autre. Puis entre les deux mondes où nous vivons. Et si nous y parvenons, alors il n’y aurait plus jamais de guerre et une paix durable s’installerait.

- En somme, tu voudrais l’échelle de Jacob, pour vous retrouver Marie et toi…ou quelque chose du genre, un truc qui vous relierait l’un à l’autre, en plus de l’anneau. Et qui vous permettrait de créer l’harmonie.

- Oui...c’est tout à fait cela ! Mais je crois que je sais où aller et avec quoi je pourrais...Oh Ulf, il faut que j’essaie. Je n’en peux plus de cette vie sans Marie. Le seul souci, c’est que je n’ai pas encore fini le labyrinthe.

- Il te reste combien d’étapes à passer selon toi?

- Je ne sais pas exactement. Mais si je suis le portrait de Bartoloméo et si je compare avec celui de moi qui est dans ma chambre, je pense qu’il y a encore deux ou trois quêtes à accomplir. Pour découvrir d’autres objets je suppose et acquérir de nouvelles sagesses.

-Eh bien...ce n’est pas encore demain que tu reverras ton épouse.

- Non, je le sais mais...depuis quelques semaines, je sens que j’avance progressivement sur le bon chemin. Quand j’ai été sacré roi, j’ai fui cette démarche initiatique et j’avais décidé de me contenter de ce que j’ai ou presque. Mais plus je me reconnecte à ma véritable nature au sein du labyrinthe, plus je retrouve des forces dont j’avais oublié la puissance et les bienfaits.
C’est comme un retour aux sources. Aux sources de qui je suis vraiment.

- Attends...J’ai peur de mal comprendre.Tu es en train de me dire que tu serais prêt à tomber les masques?

- Oui, Ulf. Pas maintenant évidemment, ce serait suicidaire, mais je le ferai dès que je m’en sentirai la force.

Sous le coup de l’émotion, Ulf se versa un peu d’eau-de-vie et après l’avoir avalée d’un trait, il s’exclama :

- Pfiouuuuuuuu...Matthias, tu réalises que tu mettras en danger ta vie en te mettant à nu, face à tous ceux et celles qui font confiance à ta gouvernance ?

- Ce ne serait pas la première fois, tu sais. Je l’ai déjà fait aux arènes face à Sadia, Tania et tous les dignitaires maléfiques. Et je les ai presque tous anéantis. Si Marie est à nouveau avec moi, je suis prêt à le refaire.

Ulf secoua la tête en grimaçant :

- M’étonnerait que Tania t’en laisse l’opportunité...Dans ton joli projet de réunion, tu oublies que tu es maintenant lié à cette femme maléfique et que : si tu as une muselière moins serrée qu’avant, ce n’est dû qu’à sa volonté, pas à tes exploits. Tu n’es qu’au service secret de Sa Majesté, si je puis dire.

Et pour illustrer son propos, Ulf se leva et se lança dans une pantomime déjantée tout en s’égosillant sur une musique toute aussi radicale, à la manière d’un guitar hero d’un nouveau genre.

www.youtube.com/watch?v=NG1AK1opZy0

Si la démesure chorégraphique et vocale du vampire avait dans un premier temps amusé le jeune monarque, elle lui avait aussi fait froncer les sourcils. Non de colère rapport à la moquerie ironique savamment déhanchée et orchestrée. Mais parce qu’Ulf exprimait à sa façon, un reflet de la réalité. Dure à admettre pour son ego, car hélas, le vampire avait raison.
L’élargissement de Jakob n’était que la résultante de faveurs qu’accordait Tania à son compagnon, parce qu’il avait cédé à son emprise. Ayant eu ce qu’elle souhaitait ou presque et la place qu’elle convoitait, Tania pouvait relâcher la pression qu’elle exerçait sur lui désormais, considérant qu’il lui était acquis et suffisamment soumis pour se plier indéfiniment aux règles qu’elle lui imposait.

Le jeune homme soupira.

S’il voulait vraiment changer la donne au royaume des ombres, il allait devoir sortir de sa zone de confort. Projeter sa voix dans le labyrinthe, mener sa quête intérieure était certes important, vital, même pour renouer avec qui il était vraiment et enclencher quelques changements. C’était ne pas se perdre de vue en quelque sorte. Mais pour parvenir à réunir royaumes ténébreux et royaumes lumineux, il allait falloir faire bien plus que cela.

Oser transgresser plus qu’il ne l’avait fait les interdits de magie féerique. Et s’il voulait réellement retourner dans son monde elfique et vivre cet amour profond qu’il éprouvait pour la comtesse de Kalamine, il lui faudrait confectionner à l’aide du ruban rose qui le liait à Marie, une potion qui abolirait la distance entre eux et permettrait enfin à leurs deux mondes de coexister pacifiquement.

A nouveau, Jakob fixa la tapisserie des vendanges. A ses côtés, Tania dans une robe rose à voile grenat semblait concocter de nouveaux maléfices, propres à l’enchaîner encore plus à ce rôle de monarque de pacotille, tout en continuant elle, à tirer les ficelles du pouvoir. Tout en lui donnant l’illusion d’être le seul maître à bord.

De cette vie sous emprise et sous contrôle, factice, il ne voulait plus...Si attirante soit Tania parfois, si facile la résignation, elles n’étaient pas profondément, ce qui pouvait réjouir Jakob. Son âme était d’une autre étoffe et réclamait quelque chose de différent. Elle voulait une union égalitaire, une collaboration nourrie par l’amour, qui rayonne et qui ne s’achète pas.

Alors le jeune homme repoussa son assiette, se leva. Sortit de table. Et faisant face tant à Ulf qu’à la tapisserie, il fit apparaître une guitare entre ses bras puis divers autres instruments, puis décida façon chef d’orchestre de répondre à la provocation par la provocation. Et pour impressionner son auditoire, il projeta sa voix en rafales successives et déroula ainsi ce nouveau mantra :

www.youtube.com/watch?v=mjNjCq1uws4

Ebahi par cette soudaine furie instrumentale et magique, Ulf contemplait son ami comme s’il redécouvrait ses capacités.

-Waouuuuuuuuh...mais comment tu fais ça ??? C’est...stupéfiant ! Tu m’avais déjà fait le coup avec Gontrand, mais là...tout seul, tu parviens à un résultat tout aussi...voire plus... symphonique. C’est l’anneau de feu qui te rend comme ça ?

Amusé, Jakob reposa lentement ses instruments avant de les faire disparaître d’un geste circulaire. Et avant de répondre à Ulf, il nota sur un carnet les derniers vers qui lui étaient venus. Il ne savait pas pourquoi, mais il sentait que c’était important pour la suite de ses aventures. Puis il se tourna vers le vampire, toujours éberlué et malicieusement rétorqua :

- Si tu as bien écouté ma chanson, tu auras la réponse à ta question. Tu permets que je te quitte ? Je crois que j’ai trouvé l’inspiration dont j’ai besoin pour faire ce que je dois faire…

Mais Ulf ne l’entendait pas de cette oreille. Il courut après Jakob qui déjà quittait la pièce et l’agrippant par l’épaule, il supplia :

- S’il te plaît, ne fais pas une bêtise qui te coûtera la vie et détruira toute chance de prospérité ici ou ailleurs.

Pour toute réponse, Jakob caressa la joue du vampire et d’un souffle, lui murmura à l’oreille :

www.youtube.com/watch?v=s5BJXwNeKsQ

Dans cette vision, l’elfe fée lui montrait tout ce qu’il avait été jusque là et serait.
Oui, il avait été un enfant gâté, pris au jeu de hasards étranges et de volontés extérieures qui l’avaient amené progressivement du cocon familial féerique, à diriger les ténèbres maléfiques, tout cela sans l’avoir vraiment désiré. S’il ne pouvait changer ce passé, il allait faire en sorte de sortir de cette emprise artificielle, infantilisante, si confortable soit-elle et s’efforcerait désormais d’apprendre à voler de ses propres ailes. Quitte à perdre tout ce qu’il avait gagné matériellement. Ce qui comptait à présent pour lui, c’était l’amour et il allait se donner les moyens de le retrouver et de le vivre.


- Il est fou...complètement fou ! Murmura le capitaine vampire. Et en même temps, je sais qu’il a raison et que l’amour est la seule quête qui mérite le voyage, n’est-ce pas ? Pfffffffff...dire qu’il m’a fallu rencontrer ce gamin pour admettre ça...

A nouveau, un flot de souvenirs tendres partagés avec Mila et Ilma lui revinrent. Et tandis qu’il repassait une à une les images de ce bonheur enfui, il entendit à l’étage, le roi vampire chantonner cette romance, en relais de ses propres réflexions :

www.youtube.com/watch?v=beNJOIU8xsI


Alors Ulf sourit. Presque malgré lui. Un espoir se levait en lui, par delà le gouffre abyssal que Jakob s’apprêtait à traverser.

- Aux innocents les mains pleines, murmura le capitaine avec douceur. Puisse celui-là nous mener à bon port.

N 11 B 7.0K C 0 E Aug 22, 2020 F Sep 23, 2020
  • DESCRIPTION
  • COMMENT
  • O
  • L
  • M

- Jakob...Jakob...mais pourquoi tu ne m’entends pas ? Où es-tu ? Je n’arrive pas à savoir si tu es arrivé à la tour ou si tu es ailleurs ? Pourquoi ne me réponds-tu pas ? Se lamentait l’âme de Marie penchée sur son amoureux qui dormait, sa tête et ses bras reposant lourdement sur la table de chêne de la cuisine d’Oswald.

Mais seul le silence profond de la nuit lui répondit. Et elle ne pouvait même pas toucher l’homme qu’elle aimait. Il y avait comme une distance, un mur invisible entre eux. Dont elle ne comprenait ni la teneur ni la raison. Avec l’impression sourde de se sentir trahie et rejetée.
Voyant cela, et ne voulant pas désespérer plus longtemps la jeune fille, la petite lumière d’or qui l’accompagnait toujours dans ses rendez-vous amoureux nocturnes, se fit voir et se posa sur l’épaule de Marie :

- Jakob ne peut pas te répondre ni t’entendre, dit la voix flûtée d’Urgande.
Il doit affronter différentes forces de l’ombre ailleurs. Tu ne pourras pas t’entretenir avec lui cette nuit, je suis désolée.

- Mais quand reviendra-t-il ?

- Quand il aura accompli sa première mission. Jakob a des choses à comprendre, à apprendre et à faire que tu ne peux pas réaliser à sa place. Ce n’est pas ton rôle. Votre union ne sera possible que si chacun de vous avance en unité.

- En unité ?

- Oui. Vous devez individuellement faire face à la vie telle qu’elle se présente pour chacun avec ses défis, ses douleurs, ses joies. Et cela chaque jour. Faire face à la solitude et aux épreuves avec courage et détermination. Vous n’avez pas les mêmes dons, ni les mêmes contextes ni les mêmes missions.

Toi tu es prisonnière d’Oswald et tu dois transcender cette situation, trouver en toi les moyens de t’extraire de cet enfermement. Ce n’est pas à Jakob de te libérer, c’est à toi de le faire. Et tu commences à agir pour cela avec la création de ce jardin dans la clairière. Tu dois continuer de t’affirmer en tant que femme face au magicien. Ne pas te laisser enfermer dans un cadre ni rabaisser comme si tu étais une proie, un objet de consommation. Tu es révoltée qu’il te voie soit comme une espèce de vierge intouchable ou de potentielle et vulgaire soumise? Alors travaille à sortir de cet enfermement. Toi seule peux le faire. Cela fait partie de ce que tu dois accomplir, Marie. Oswald ne peut pas évoluer. Son environnement maléfique, sa passion du pouvoir ne lui permettent pas de comprendre qu’une femme est autre chose que ses préjugés. Derrière la façon dont il se comporte avec toi, agressive, abusive, violente et irrespectueuse, il y a toute son histoire personnelle et un environnement, un lien familial toxique. Tu es différente de ce qu’il pense et croit et projette...Tu échappes à toutes les représentations qu’il peut se faire de toi et de la femme en général. Alors profites-en !

L’âme de Marie était toute émue et bouleversée à ce discours.

- Vous voulez dire que tant que je ne serai pas pleinement femme, je ne pourrai pas être l’épouse de Jakob et nous ne pourrons pas être vraiment unis ?

Urgande sourit. Et pour mieux se faire proche de la jeune fille, elle métamorphosa son apparence pour être de même taille qu’elle et invita Marie à la rejoindre sur un banc. Maternellement, elle entoura de son bras la vicomtesse et dit :

- Oui, d’une certaine façon, si tu ne t’affirmes pas dans ta féminité seule, si tu ne prends pas position de façon active et non juste en observatrice victime, tu ne pourras pas vivre un amour conjugal sacré dans la plénitude et la joie avec Jakob. Car vous n’êtes pas un couple ordinaire lui et toi. Vous êtes ceux que l’anneau de feu a choisi. Vous êtes un couple sacré et pour remplir votre mission sacrée à deux, il faut d’abord que chacun de vous s’affirme dans son identité, sans en avoir peur.
J’ai dû apprendre cette leçon moi aussi par le passé. Pour me libérer du baiser de la mort, mais aussi pour me donner l’autorisation d’être aimée par Hans à tous les niveaux, m’accorder cette dignité sans crainte de souffrir ou d’être trahie.

Ce fut difficile d’admettre que je mérite d’être aimée totalement, crois-moi. Je voyais l’amour comme un don et pas comme quelque chose à accueillir en moi . Et j’ai beaucoup bataillé avec moi-même pour admettre que j’étais digne d’être aimée de cet humain, dans ma globalité. J’étais terrifiée de m’abandonner à l’amour que j’éprouvais pour lui et qu’il éprouvait pour moi. J’avais peur de me montrer à Hans en tant que fée. Je me disais qu’il ne pourrait pas accepter ma nature, que c’était sans espoir et que nous étions trop différents pour qu’un amour durable soit possible entre nous. Il fallait donc que je m’estime suffisamment pour répondre à l’amour de Hans sans craindre de le décevoir, de le perdre ou de ne pas être à la hauteur. Et lorsque j’ai compris cela, j’y ai travaillé pour trouver le courage de me montrer à lui telle que je suis.

Hans et moi étions si différents physiquement, énergétiquement et pourtant nous étions si immédiatement proches...nous nous ressentions l’un l’autre d’âme à âme, nous comprenions intimement par delà nos natures respectives. Mais il fallait tout de même un ajustement. On peut ressentir un amour mutuel immédiat mais...pour pouvoir le vivre vraiment, l’incarner durablement, il faut bien plus que de l’attirance et de la compréhension mutuelle. Il faut accepter sa nature, poser ses limites, affirmer ses valeurs, sa dignité, sa raison d’être et oser recevoir sans se déprécier. C’est tout un apprentissage...que j’ai dû faire seule et que tu dois faire seule aussi.

Tu es humaine et Jakob est un elfe-fée. Vous êtes dans la même configuration qu’Hans et moi,, même si elle est inversée.
C’est pourquoi je suis là pour t’aider à lâcher-prise. A oser ce qui te paraît impossible, à ne pas être dans l’attente éplorée de Jakob mais à travailler à votre union en toi-même. Oswald ne pourra pas vaincre le sortilège, même s’il essaie de t’en convaincre et de te faire peur avec cela. C’est toi seule qui pourras dénouer ce poison. Quand tu seras parvenue à accepter pleinement qui tu es, hors de toutes les projections, les fantasmes et les préjugés masculins de ton geôlier, alors le baiser de la mort deviendra un baiser d’amour et de vie. Et tu pourras le partager avec Jakob comme tu en as rêvé et qu’il en rêve aussi. Dans une sexualité sacrée, elle aussi. Et égalitaire.

Je sais que tout ce que j’explique te paraît pour le moment nébuleux... lorsque tu en auras besoin, tu comprendras ce que je te dis maintenant.

- Mais je n’ai pas vos pouvoirs ni ceux de Jakob. Je ne sais pas faire de magie.

La fée se mit à rire doucement.

- Chacun possède une magie particulière, un don précieux. Trouve le tien. Et quand tu l’auras trouvé, active-le. Et ne t’inquiète pas quand et comment tu découvriras tes dons. L’univers se charge de tout ça.

- Mais la féminité, celle que je dois accepter pour être pleinement l’épouse de Jakob, c’est quoi ?

- Ah ça...c’est tellement complexe l’identité féminine. Tellement multiple aussi...D’abord peut-être, comprendre que tu n’es pas la prisonnière d’un homme. Qu’il soit magicien, elfe-fée, humain, père ou mari.
Tu es sujet de ta vie et personne n’a de droits sur toi. C’est peut-être le premier palier de conscience de notre féminité, par delà nos différences.
Tu n’as pas connu ta mère mais...Héloïse incarnait pleinement le féminin sacré. Non pas une image virginale, ni un objet sexuel, mais une femme accomplie qui était consciente qu’elle était à la fois fille, femme et mère. Elle n’était pas seulement ta mère, elle était pleinement l’épouse de ton père et fille aussi. C’est tout cela qui fait une identité féminine. Toujours entourée d’amour. On ne se construit pas tout seul dans la vie. Nous sommes faits de tant d’influences et de rencontres et d’apprentissages venant de l’extérieur. Même si nous devons agir pour nous émanciper et nous accomplir seuls.

Tu as compris quelque chose d’essentiel à ta nature de femme. Que ça n’est pas logé dans l’apparence et l’artifice. C’est beaucoup. Je me souviens il y a quelques années, quand j’ai visité une femme du futur, attachée à une image et au désir de plaire aux autres, ce fut un choc pour elle, ce que je lui ai dit à ce sujet.
Tiens, je vais te montrer ce qui s’est passé…

Urgande sortit sa baguette et décrivit dans la nuit un petit rectangle lumineux. Devant les yeux ébahis de Marie, une image prit corps, vie et mouvement instantanément. La jeune fille assista donc à ce moment d’intimité d’un nouveau genre, une confidence de femme à femme, presque de mère à fille finalement. Une sorte de doublon de ce qu’elle était en train de vivre avec Urgande :

www.youtube.com/watch?v=-ZUfr_QWkww

- Et que s’est-il passé ensuite ?
- Eh bien, cette dame a compris un peu plus où était l’essentiel. Et a recentré son identité féminine sur le naturel, la tendresse, une certaine affirmation aussi bien dans son travail que dans ses relations aux autres. Elle a grandi en autorité, en joie, en confiance en elle, et tous ses proches également.
C’est un jeu de vases communicants, vois-tu ! Ce que tu épanouis en toi va non seulement t’apporter du bien-être mais va en générer pour celles et ceux que tu aimes.
Il ne s’agit pas d’être dans le don perpétuel, le sacrifice, l’abnégation, le renoncement, le suivisme pour espérer de l’amour et de la considération en retour, ne serait-ce que des miettes. Ca, c’est ce que beaucoup de femmes et de filles croient à tort et qui leur fait du mal. Qui va les empêcher de réaliser pleinement qui elles sont. Malheureusement, ce comportement d’autocensure leur a été inculqué dès l’enfance, de façon consciente comme inconsciente. Et elles ont toutes les peines du monde à s’en détacher. Souvent par peur de déplaire à leur entourage, à l’homme qu’elles aiment. Car si elles suivaient leur coeur et non la satisfaction des désirs et fantasmes de leur entourage, elles feraient en sorte de se respecter, de poser un cadre qui à la fois leur fait du bien et fait du bien aux autres. Ce qui suppose dialogue avec le conjoint, les parents, les enfants, acceptation de sa part de liberté personnelle et création d’un partage véritablement équitable des responsabilités.

- Mais c’est très difficile à atteindre !

- Je te l’accorde. C’est un équilibre pas du tout évident à trouver et encore plus difficile au quotidien. Mais c’est la condition d’un socle de satisfaction, d’indépendance, de sérénité, de confiance, d’harmonie et d’amour. Un couple y gagne énormément. Et encore plus un couple sacré.

Marie était songeuse, perplexe. Car Urgande lui enseignait une voie d’épanouissement personnel et amoureux que jamais elle n’aurait pu entrevoir à Kalamine. Et elle n’avait pas besoin de Jakob pour cela. Juste de s’accorder du temps, satisfaire ses aspirations personnelles comme elle l’entendait, pour exalter l’authenticité qui lui tenait tant à coeur, et pour ensuite mieux la vivre et la partager avec Jakob. Les paroles d’Urgande étaient comme une révolution intérieure pour la jeune femme.

D’un coup, elle repensa à sa mère.
D’elle, elle n’avait qu’une image élégante, peinte sur la bague qu’elle portait et les récits de son père, d’Erminie, Ygresil et Amédée qui l’avaient bien connue et en parlaient avec chaleur et affection.
Mais savaient-ils réellement qui était la femme en elle ? Dans le plein sens du terme et de l’accomplissement ? Avait-elle pu exister à elle-même autant qu’Urgande le prétendait ?

Marie soupira. Elle aurait tant aimé discuter ainsi avec sa mère, partager des réflexions, des souvenirs, des idées, de l’intimité aussi. Grandir sans elle, devoir se fier uniquement à son père et aux domestiques l’avait rendue souvent triste et amère. Et avivé son besoin de solitude, sans doute pour créer l’espace nécessaire pour recréer artificiellement dans ses activités paysannes, la part féminine qui lui avait tant manqué.
Erminie avait été présente, affectueuse et attentive, mais ce n’était pas pareil.
La sorcière gouvernante en était bien consciente et le lui avait dit maintes fois.

- Ma chère enfant, j’ai bien conscience que tout ce que je fais ne comble pas votre coeur comme l’aurait fait notre souveraine. Mais croyez en ma bonne foi et en ma constante affection pour vous. Elles sont vraies et vous sont acquises à jamais.

Cette réflexion dénouait toujours les conflits et les incompréhensions. Le rappel d’Héloïse ramenait la paix et l’harmonie dans le coeur de Marie. Cette nuit-là également. Alors pour prolonger le plaisir, elle demanda :

- Urgande, racontez moi ma mère, s’il vous plaît. Si je la vois près de moi, peut-être aurai-je moins peur d’incarner celle que je suis ?

La fée sourit.

- Je vais t’offrir mieux qu’un récit, Marie. Je vais invoquer ta bague et solliciter ici la présence de ta chère maman. Si elle veut bien se manifester, je suis sûre qu’elle sera très heureuse de t’entretenir elle-même, d’âme à âme. Mais attention : ce charme est de courte durée. Il se dissipera bien avant l’aube…

Marie, pleine d’espoir, fixa Urgande avec gourmandise.
La fée toucha de sa baguette le portrait peint sur le camée monté en bague que la jeune fille portait et dit :

- Héloïse Smiroff, par la voix du sang, de l’amour et de l’anneau de feu, je prie ton âme de venir nous retrouver en ces lieux.

Aussitôt, une lumière verte s’échappa de la peinture et se mit à grandir, grandir, jusqu’à devenir une silhouette féminine qui, sans ressembler à Marie, dégageait le même charme frais et le même sourire que la jeune fille.

Lorsque Marie vit sa mère à quelques mètres et face à elle, elle eut bien de la peine à retenir ses larmes, tant elle était émue. Héloïse tendit les bras et Marie courut immédiatement s’y blottir.

- Maman, maman, est-ce bien vous ?

- C’est moi, mon ange. Je suis heureuse, si heureuse de pouvoir te serrer à nouveau dans mes bras. Et tu es devenue si grande et si belle ! Ah, que je suis fière de toi et de tout ce que ton père a fait pour te protéger et pour t’amener jusqu’ici.

- Mais j’ai fait une bêtise, vous savez.

- Une bêtise ? Allons donc...mais laquelle ?

- J’ai bu le baiser de la mort, au moment où j’aurais pu devenir l’épouse de l’homme que j’aime.

- Tu as bu ce poison ? Mais ce n’est pas du tout une bêtise. Tu l’as fait par amour et pour te protéger d’Oswald. Tu as donc fait ce qu’il fallait faire. Tu as suivi ton intuition qui te disait d’agir ainsi. Et tu as eu raison.
A chaque fois que tu écoutes ta petite voix intérieure, tu agis pour le mieux te concernant et concernant celles, ceux que tu aimes. N’aie pas de remords ou de regrets. Assume cette part de toi car elle incarne la sagesse qui sommeille en tout humain digne de ce nom. C’est en écoutant ce qu’elle te dit que tu pourras ouvrir tes ailes et t’accomplir comme le bel oiseau que tu es.

www.youtube.com/watch?v=1fuKWfLEp38


- Oh maman, j’aimerais tant que vous restiez à jamais près de moi...Vous m’avez tant manqué.

- Je suis avec toi à chaque seconde depuis ton premier cri, ma chérie. Même si ma présence n’est pas physique, je t’ai suivie dans toutes les étapes de ta jeune existence. J’ai accompagné toutes tes découvertes, tes joies, tes peines, tes révoltes. Je suis dans la moindre étincelle d’énergie que tu déploies. Dans tout ce qui te porte et te transporte. Alors ne crains pas de me perdre. Je serai toujours là. Au-delà de cette bague que tu portes, au-delà de la vie et de la mort. Regarde au fond de ton coeur et je t’assure que chaque fois que tu en auras besoin, tu me verras et tu m’entendras, maintenant que tu sais où je réside.

Mère et fille s’étreignirent longuement. Marie écouta un moment Héloïse qui lui racontait sa vie, son enfance, sa jeunesse. La rencontre d’avec Alexandre et cet amour si beau, si accompli et si sacré qu’ils avaient partagé ensemble, qui avait présidé à la naissance de la jeune vicomtesse tout en préservant la paix et l’harmonie au sein des royaumes féeriques. La jeune fille, happée par le récit maternel, avait les yeux brillants et le rire en cascade.
Elle découvrait une femme enjouée, pleine d’humour et de tendresse, passionnée, qui évoquait sa personne et ses ancêtres avec justesse, amour et finesse.

- Et avec grand-mère, c’était comment vos relations ?

- Tu veux dire avec ma propre mère ? Eh bien...ce n’était pas facile. J’avais des frères qui me la volaient un peu trop souvent pour que nous puissions passer beaucoup de temps ensemble. Mais chaque moment d’intimité avec elle était formidable. Une pure grâce céleste. Que je n’ai jamais oubliée et que j’ai toujours souhaité vivre ainsi avec toi. Malheureusement, le Ciel en a décidé autrement...et j’ai dû céder ma place à Erminie qui a été une gouvernante fabuleuse, non ?

- Oui, elle a fait du mieux qu’elle pouvait. Mais vous m’avez beaucoup manqué.

- Je sais. Et j’ai parfois pleuré de ne pouvoir te rejoindre certains soirs de chagrin. Mais j’étais là et j’ai supplié l’univers, que tu reçoives le meilleur. Non pour te gâter, mais pour t’aider à devenir chaque jour plus heureuse de vivre. Si tu l’as en toi ce bonheur et que tu le cultives, tu sauras le partager. Et ce bonheur intérieur fera ensuite tache d’huile...Tu sais ce qui fait le plus mal ? De passer à côté de toi-même, de ton accomplissement, par peur de déplaire…Fais en sorte que jamais tu ne sacrifies ton identité au profit d’un tiers, car alors tu serais exposée aux plus grands drames ainsi que tous ceux et celles que tu aimes.Lorsque l’ange de l’anneau de feu a regagné le ciel pour y accomplir sa dernière oeuvre, maman est entrée dans un deuil sacrificiel où elle s’est totalement oubliée. Et mes frères malheureusement, n’ont pas aidé à ce qu’elle prenne du temps pour elle. Il a fallu que je les interpelle pour leur faire réaliser à quel point maman s’était en quelque sorte sacrifiée pour eux et qu’il était plus que temps que cela cesse. Un soir, excédée de la voir si malheureuse, j’ai écrit une longue lettre que j’ai recopiée pour chacun de mes frères et où je leur expliquais la vraie nature de maman. J’avais l’impression en faisant cela, de rendre sa dignité à ta grand-mère. Et c’était vrai, en un sens, puisque mon geste a provoqué une discussion familiale qui a fini par redonner goût de vivre et énergie à maman. Ce jour-là, j’ai réalisé que j’avais le don de l’espoir. Et que je pouvais dénouer des situations difficiles. C’est pourquoi j’ai toujours gardé la lettre originale que j’avais écrite à mes frères. Et je l’ai toujours sur moi. Tu veux la lire ?

- Oh oui ! Avec plaisir. Ce sera, comme si nous partagions les mêmes souvenirs…

Héloïse sourit puis tira d’une poche de sa large jupe, quelques feuillets noircis et les tendit à sa fille…

www.youtube.com/watch?v=DfdGvdzMpYo

  • DESCRIPTION
  • COMMENT
  • O
  • L
  • M

Jakob était donc parti, le coeur gros de quitter sa famille mais conscient qu’il pouvait permettre ainsi, grâce à sa métamorphose, de sauver toute la Vallée Heureuse en plus de celles et ceux qu’il chérissait.
Sa mère lui avait dit qu’il était en âge de mener sa propre vie. Alors il allait la mener. Il n’avait pas le choix de toute façon. Et c’était peut-être mieux ainsi. Aurait-il osé partir du si douillet cocon familial ? S’il voulait être honnête avec lui-même, il n’en était pas certain. La vie était si douce et si tranquille dans la vallée...Une sorte d’eden qui ne donnait pas envie d’aller risquer ses ailes dans d’autres contrées. D’autant moins en sachant les ravages que faisait l’affreux Oswald.

Oswald...A cette heure, il devait déjà fomenter un projet de destruction de leur vallée. Et rien qu’à cette pensée, Jakob se mit à marcher plus vite. Il voulait pouvoir griller de vitesse le sorcier, tout humain qu’il était devenu. Après tout, lui aussi avait gardé ses pouvoirs magiques. Il pourrait donc user de ses propres sortilèges pour échapper à ceux du magicien. Sans même que celui-ci sache qui il était en réalité. C’était une perspective rassurante, stimulante aussi. Qui renforça le jeune homme dans sa marche et son courage. Il n’était pas sans ressources. Et si Angelo l’avait envoyé comme émissaire familial, c’est qu’il avait tout pour accomplir au mieux sa mission.

Au bout de quelques heures, pour la première fois de sa vie, Jakob éprouva la sensation de faim et de fatigue. Il eut le réflexe de s’arrêter sous un grand arbre pour se reposer. Mais il ne savait pas comment se nourrir maintenant qu’il était devenu un homme.
Il ne s’était jamais beaucoup intéressé à cette espèce avant, et regrettait de n’avoir pas été plus attentif lors des leçons que dispensait Agnella sur le sujet. Alors il saisit une campanule entre ses doigts et posa la question à la fleur. Aussitôt, il reçut un baluchon contenant un pain, un morceau de fromage, une gourde, un petit gobelet le tout accompagné d’ un petit papier plié.

Etonné, le jeune homme déplia le carré blanc et lut :

« Tu peux manger le pain et le fromage à chaque fois que tu auras faim. Ils se renouvelleront chaque jour sans jamais te manquer. Cueille des plantes et fruits sauvages pour compléter et te garder en bonne santé. Nous te guiderons pour savoir si tu peux ou pas les manger. Et bois de l’eau de source. Ainsi tu pourras survivre tout au long de ton voyage. Bonne route, Jakob ! »

Plein de reconnaissance, le jeune homme entama les provisions avec appétit et remercia la petite fleur bleue avec émotion. Quelle bonne idée avait eu Angelo de lui dire d’en emporter. Les campanules seraient autant de talismans durant cette longue route.

www.youtube.com/watch?v=dMOs048Le4U


3.5%